
Le collectif Les Associés présente l’exposition 600° jusqu’au 17 mars prochain à Bordeaux. C’est l’occasion de revenir sur les feux de forêt survenus en Gironde en 2022. Cette exposition immersive permet d’en comprendre les conséquences sociales et environnementales.
« 28 833 hectares partis en fumée, 46 615 personnes évacuées, 4200 pompiers mobilisés » lors des incendies de l’été 2022 en Gironde. Voici le bilan dressé par le collectif Les Associés à l’origine de l’exposition 600° qui se déroule à Bordeaux. 600℃, « c’est la température des sols qui continuent encore aujourd’hui de se consumer », explique le collectif. Cela donne le ton de l’exposition qui rend compte des bouleversements subis par ce territoire ravagé par les incendies.
Une immersion dans la forêt landaise
Dès l’entrée dans l’ancienne église, les spectateurs sont plongés dans une ambiance sombre, sobre et mélancolique. L’éclairage, les photographies, l’emplacement théorique des arbres détruits marqué sur le sol, permettent de se remémorer l’ampleur des événements. Sons et lumières servent aussi à la reproduction d’une scène d’incendie. Le bruit des flammes qui crépitent et l’alternance du rouge, du orange et du jaune donnent l’impression que la salle est transportée dans la forêt des Landes, pendant les incendies.
Des témoignages directs
« Je me souviens de la fumée noire qui envahissait tout », « c’était comme la nuit en plein jour », détaillent des extraits de témoignages recueillis par le collectif dans la commune de Landiras (33) en 2023. Chaque visiteur lit attentivement la longue liste de commentaires qui rappellent la brutalité de la catastrophe et le choc pour les habitants de Landiras et de la Teste-de-Buch (33).
Le public semble captivé par les photographies qui montrent l’ampleur du désastre. L’image d’une partie de la forêt encore intacte la nuit sous un ciel orangé, un pompier entouré par une forêt calcinée sur des kilomètres, tels sont les témoignages directs de l’épreuve à laquelle les habitants de la région ont fait face.
Une photo marque les esprits. On y voit une fougère pousser sur un tronc de pin calciné, contraste frappant entre la vie et la mort. La première s’est arrêtée en 2022 pour laisser place aux cendres et à la fumée. La seconde a été effacée par cette nouvelle trace de vie qui « reprend son cours », autant pour les habitants que pour la forêt.
Des incendies qui soulèvent beaucoup de questions
« Les méga-feux mettent à nu les déséquilibres de notre société », rappelle sobrement le collectif. Les Associés invitent le public à la réflexion. « Aménagement du territoire, gestion du foncier, arbitrages budgétaires », voilà des facteurs qui ont pu jouer sur l’ampleur des feux de 2022, explique un panneau. Ce sont ces mêmes incendies qui, aujourd’hui, questionnent notre rapport à l’environnement et notamment au réchauffement climatique. Ce portrait d’une région dévastée révèle aussi « le chemin à parcourir dans la prise de conscience des bouleversements auxquels nous avons à faire face », selon les termes du collectif. Les visiteurs passent ainsi d’image en image et de description en description dans une atmosphère plutôt pesante. Certains discutent avec l’un des photographes du collectif après avoir vu les images.
Les Associés, entre création et restitution
« Il y a systématiquement la nécessité de dresser le portrait du territoire […] après un bouleversement », explique ce photographe, en référence aux différents projets des Associés. Les communes ravagées par le brasier en 2022, ont subi l’impensable. Le collectif souhaite donc donner la parole à ceux qui ont vécu cet événement sans précédent. L’équipe s’intéresse aussi aux conséquences des feux de 2022 car « l’actualité s’en est allée sur d’autres fronts », alors même que « les acteurs locaux continuent de lutter », écrit-elle. C’est une façon de ne pas oublier que les feux ont détruit l’environnement mais aussi le lieu de vie que représente la forêt des Landes.
Après un passage dans la ville de Bordeaux jusqu’au 17 mars 2024, le collectif souhaite installer l’exposition dans les territoires concernés, « en espace extérieur, dans la forêt, dans les centres-villes », explique le photographe. Cette résidence d’artistes permet d’amener « la culture là où il n’y a pas nécessairement d’infrastructures », ajoute-t-il.
Selon lui, le travail n’est pas fini. Il y a « encore un an et demi, deux ans » avant de présenter l’exposition finale qui sera accompagnée d’un livre et d’un film photographique.
Pierrick Mouëza